Dans une interview accordée à RTL le 3 décembre, l'écrivain et reporter Philippe Pujol, lauréat du prix Albert-Londres, met en lumière l’escalade alarmante des violences liées au narcotrafic à Marseille. À la suite de la découverte tragique du corps carbonisé d’un adolescent de 15 ans et de l'assassinat de Mehdi Kessaci, frère d'Amine Kessaci, éminent militant anti-drogue, Pujol dépeint un tableau préoccupant d’un système où des jeunes de moins en moins âgés sont à la fois les auteurs et les victimes de crimes.
Selon Philippe Pujol, dont l'ouvrage La Fabrique du monstre aborde les dynamiques des quartiers nord de Marseille, la tendance récente est indéniable : la violence extrême ne touche plus seulement des réseaux établis, mais s’étend désormais aux plus jeunes générations. "Ces adolescents, souvent âgés de 14 ou 15 ans, sont les protagonistes d'homicides d'une brutalité sans précédent," souligne-t-il.
La mort de Mehdi Kessaci, considérée comme un acte de menace visant son frère engagé, a provoqué une onde de choc dans la cité phocéenne. Cependant, malgré cet événement tragique, Pujol exprime son scepticisme quant à un changement rapide face à une problématique si enracinée : "Un changement sur un problème aussi ancien et profond ne peut pas se faire du jour au lendemain," déclare-t-il.
Le meurtre de Mehdi a suscité une émotion à Marseille, mais Pujol en regrette le manque de mobilisation collective. "Les figures emblématiques n'ont pas répondu présent. C'est un peu décevant", admet-il, même s'il reconnaît que la peur pourrait dissuader certains de s'engager publiquement.
En dépit des idées reçues, Pujol insiste sur le fait que Marseille ne doit pas être comparée à un narco-État. "Nous ne sommes pas au niveau du Mexique ou de la Colombie, où des cartels dominent la société," explique-t-il. À Marseille, le système de narcotrafic est fragmenté. Des grossistes distribuent des produits aux cités, qui embauchent de jeunes "intérimaires" comme vendeurs de rue. Cette structure décentralisée favorise la concurrence meurtrière entre jeunes professeurs de la rue.
Une organisation se distingue : la DZ Mafia, qui domine le marché depuis 2020 sous différents noms et fonctionne comme un réseau de franchise. Pujol précise que "les véritables criminels sont peu nombreux, mais puissants et armés", tandis que la majorité sont de simples employés, pris dans un engrenage mortel.
Pour lutter contre cette spirale de violence, Philippe Pujol plaide pour un retour massif des services publics dans ces quartiers délaissés. Selon lui, le recul des institutions éducatives, sociales et d'aide a exacerbé la situation. Il critique les choix politiques de figures locales, telles que Martine Vassal, qui ont priorisé des projets d'infrastructure au détriment d'initiatives sociales. "Les chiffres sont clairs : la diminution des aides auxquelles ces jeunes pourraient bénéficier aggrave la situation," conclut Pujol.
En parcourant les témoignages de la famille Kessaci, on comprend l'impact dévastateur de cette violence. Amine, en deuil de son petit frère, se retrouve face à un dilemme quant à son engagement futur dans cette lutte complexe. La date du procès des présumés meurtriers de leur frère Houssam, également en proie à la violence du trafic, a été annoncée pour le printemps prochain. Le dossier est jugé prioritaire, en raison du nombre croissant d’affaires de criminalité organisée en attente, selon le procureur général d’Aix-en-Provence.







