En novembre 2024, la Mission interministérielle pour la protection des femmes (Miprof) a révélé des statistiques inquiétantes : 614 bébés ont été accueillis dans une unité médico-judiciaire (UMJ) pour des faits de violences sexuelles en France. Ces chiffres, qui représentent 2 % des 73 992 victimes de violences sexuelles et sexistes, éclairent un phénomène encore largement ignoré et considéré comme un tabou inacceptable, malgré les cris d'alerte lancés par les professionnels du secteur.
Les nourrissons, âgés de 0 à 2 ans, constituent pour les pédocriminels la « victime idéale ». Ils ne peuvent pas parler ni se souvenir des abus, ce qui conduit certains agresseurs à minimiser la gravité de leurs actes. Marion Pierre, pédiatre en médecine légale à Rennes, souligne : "C'est cette invisibilité qui rend le sujet tellement difficile à aborder, car l'idée même que de tels actes puissent avoir lieu sur de si jeunes enfants paraît inimaginable".
Sarah el Haïry, Haute Commissaire à l’Enfance, ajoute que ce chiffre ne représente qu'une fraction de la réalité. "Nous discutons d'enfants qui ne peuvent pas demander de l'aide", déclarent-ils, insistant sur la nécessité d'une prise de conscience collective pour protéger ces petites victimes. Aurélie Besançon, cheffe de l'Office mineurs (Ofmin), renchérit : "Le chiffre réel pourrait être beaucoup plus élevé".
Un incident choquant, impliquant une infirmière et son ex-compagnon accusés d'agressions sexuelles sur des nouveau-nés à la maternité de Montreuil, met en lumière l'urgence de la situation. En effet, les agresseurs se trouvent souvent très près des nourrissons, que ce soit dans le cercle familial ou professionnel.
Les enquêtes sont souvent compliquées en raison de l'absence de traces physiques. Hélène Romano, psychologue, évoque les difficultés d'identifier ces abus, soulignant : "Une fellation ou une introduction d’un objet ne laisse pas nécessairement de traces visibles". Cela complique encore les affaires judiciaires, surtout quand ces crimes sont dénoncés par des mères souvent étiquetées comme "folles" dans leur quête de protéger leurs enfants.
Bien que la visibilité des violences sexuelles sur les nourrissons soit rare, certains signes peuvent alerter. Les comportements déviants des enfants, tels que des troubles du sommeil ou une réactivité excessive aux bruits, peuvent indiquer des abus. Les professionnels de la santé et du social doivent donc être vigilants et formés pour reconnaître ces signes d'alerte, car ils peuvent prévenir des dommages psychologiques durables.
Les experts nous rappellent que la mémoire traumatique des abus sexuels sur des enfants peut apparaître des années plus tard, sous forme de troubles du comportement ou de comportement sexuel inapproprié. Il est crucial que la société, le secteur médical et les autorités prennent en compte cette problématique afin de garantir la sécurité des plus vulnérables parmi nous. Des initiatives de sensibilisation et d'éducation doivent être mises en place pour briser le silence qui entoure ce sujet douloureux.







