Le paysage littéraire français est en pleine transformation avec la montée en puissance des ouvrages publiés par Fayard, une maison d'édition désormais emblématique des ambitions politiques de Vincent Bolloré. Le lancement récent du livre Le journal d’un prisonnier de l'ancien président Nicolas Sarkozy est un exemple frappant de cette stratégie d'inondation du marché qui vise à capter un maximum d'attention.
Le groupe Hachette, qui appartient à Bolloré, a su mettre en place un modèle commercial efficace basé sur la production massive et la rotation rapide des titres. Des libraires, comme Silvio Abbaz de la librairie Le Déluge à Sisteron, soulignent que cette approche fonctionne comme un véritable outil marketing. « Fayard est devenu un véhicule politique, Hachette en est l’instrument financier », précise-t-il. Cette domination s'étend bien au-delà de la simple publication de livres, puisque les contrats avec les libraires les obligent souvent à mettre en avant certaines œuvres, qu'elles soient populaires ou non.
Le phénomène n'est pas isolé. D'autres figures de la droite française, comme Jordan Bardella et Éric Zemmour, bénéficient également de cet élan, tandis que la distribution se concentre dans les mains de quelques acteurs majeurs. Hélène Seiler-Juilleret, experte en culture et édition, qualifie ces livres de « jetables », renforçant l'idée qu'ils sont pensés pour créer une illusion de succès, même si le volume de vente réel peut parfois être décevant.
Les conséquences écologiques et économiques de cette stratégie sont pourtant préoccupantes. Le système de pilonnage, qui consiste à détruire les invendus, est souvent critiqué pour son impact négatif. « C'est un non-sens éditorial et écologique », déclare Seiler-Juilleret, reflétant un malaise croissant face à ce modèle.
En parallèle, de nombreux libraires indépendants tentent de résister à cette domination en choisissant soigneusement leurs titres, mais se retrouvent souvent dans une position délicate, contraints d'accepter des commandes qu'ils ne souhaitent pas nécessairement valoriser. Les chiffres parlants révèlent que près de 40 % des livres vendus en France proviennent de Hachette, un chiffre qui ne fait qu’augmenter avec les ajouts constants à son catalogue.
Le marché du livre en France est le reflet d'une dynamique complexe, où les choix éditoriaux ne relèvent pas uniquement de la passion littéraire, mais sont aussi influencés par des considérations économiques et politiques. Les libraires, dont le rôle est souvent minimisé, se battent pour maintenir une diversité littéraire face à cette tendance homogénéisante, alors que l'avenir du livre s'engage dans une voie incertaine.







